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Archives : ancien résistant, maire, qui était Philibert Hoffmann ?

En 2019, le service des Archives et de la documentation de Rosny-sous-Bois reçoit un don des petits enfants de Philibert Hoffmann, maire de Rosny de 1947 à 1950 et de 1953 à 1964.

Ancien résistant puis maire bâtisseur, Philibert Hoffmann impulse l’urbanisation de la ville au sortir de la guerre, au cours de cette période que l’on appellera « les Trente Glorieuses ». Le général de Gaulle, Paul Delouvrier et Jean de Mailly vont l’aider dans sa tâche et contribuer à faire de la ville, un théâtre de la modernité.

Un don inespéré

En janvier 2019, Marie Schibler-Pierret, habitant à Saint-Dié-des-Vosges en Lorraine, contacte le service des Archives et de la documentation de Rosny-sous-Bois pour lui signaler sa volonté d’effectuer un don d’archives, suite au décès de sa mère Janine Hoffmann. Le maire répond en mars et la procédure se met en place à la réception de la lettre d’intention de don, datée du 4 février 2019. La convention passe ensuite à la validation du Conseil municipal le 18 avril 2019. Le don est réceptionné en juin par les archivistes puis rangé en magasins, dans l’attente de son traitement.

Portrait HOFFMANN
Bulletin municipal officiel, n°11, 1964. Décès de Philibert Hoffmann. ©AM de Rosny-sous-Bois, don Marie Schibler-Pierret.

Dès le premier état des lieux, l’équipe des archives municipales réalise le caractère unique de ce don. En plus des nombreux documents papier, il contient : médailles, écharpes d’élus, photographies, notes et objets personnels. L’ensemble présente une valeur émotionnelle et historique à plusieurs niveaux :

  • sa valeur historique pour la ville et ses habitants ;
  • l’enrichissement des fonds ;
  • la mise en avant d’une personnalité majeure de la ville et ses actions ;
  • une mine d’informations sur la période d’après-guerre et le contexte de la reconstruction ;
  • un potentiel majeur pour de futures actions de médiation et de valorisation, que ce soit auprès des scolaires ou du grand public (dont cet article est d’ailleurs un bon exemple !).

À travers les éléments de ce don, couplés aux éléments historiques déjà établis, penchons-nous sur la vie bien remplie de P. Hoffmann.

Philibert Hoffmann : un résistant de la première heure

Né le 26 septembre 1897 à Fellering (Haut-Rhin), Philibert Hoffmann a fui l’Alsace en août 1914 pour échapper à la tutelle allemande. Il s’engage volontairement à 18 ans dans l’artillerie française (de novembre 1916 à septembre 1919 dans la 5e RAC). Il est retraité du Bureau honoraire de la SNCF du 27 janvier 1920 au 1er juillet 1958. Affecté spécial SNCF de septembre 1939 à mai 1945, il reçoit une lettre de félicitations du comité international de la Croix-Rouge et par la suite la médaille de la France libérée et la croix du Combattant.

Durant la Seconde Guerre mondiale, il décide de quitter définitivement sa région natale. Accompagné de son épouse et de ses filles, il traverse la France occupée pour s’engager comme résistant. Le bulletin municipal (In Memoriam, n°11, 1964) décrit une de ses actions en ces mots :

« Le 16 août 1944 en gare de Pantin, alors que les Allemands se livrent à un pillage des wagons de marchandises, il arrive avec l’aide d’autres agents, à garer en lieu sûr une rame de 29 véhicules composés de wagons de colis de prisonniers de guerre, de farine de blé qui ont ainsi pu être soustraits à l’ennemi et dont le chargement fut remis au ravitaillement général ou restitué à la Croix-Rouge. »

Le 18 août 1944, il est condamné à mort par le Tribunal militaire allemand comme déserteur. Il est accusé d’être un des instigateurs de la grève générale des cheminots. Cependant, il est sauvé de l’exécution grâce à l’intervention du directeur de la région Est. Ces faits de résistance lui permettent de se rapprocher du général Charles de Gaulle et de Jacques Marette. Pour ses nombreux faits d’armes, il est d’ailleurs nommé par décret au grade d’officier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur, le 29 décembre 1962.

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Photographie en noir et blanc montrant Philibert Hoffmann lors de la cérémonie de remise de la Légion d’honneur en 1962. Il est le troisième dans la file. ©AM de Rosny-sous-Bois, don Marie Schibler-Pierret.

En 1946, il emménage à Rosny-sous-Bois et y retrouve son emploi à la SNCF à Paris où il devient chef de bureau. Nommé conseiller municipal de Rosny-sous-Bois en 1946, il est élu maire en 1947.

Un maire bâtisseur : l’urbanisation de Rosny-sous-Bois

La ville de Rosny-sous-Bois conserve un caractère essentiellement rural jusqu’à la collaboration entre Jean de Mailly et Philibert Hoffmann. Située dans le sud de la Seine-Saint-Denis à 15 km du centre de Paris, son territoire va s’urbaniser à la fin des années 1950 (les travaux à Rosny commencent en 1958/1959) pour faire face à l’accroissement de la population et à l’insalubrité de certains logements.

L’après-guerre signe le début de la reconstruction nationale. Rosny est pleinement concernée par ces changements. Bien qu’elle n’ait pas subit de dommages graves pendant la guerre, le maire souhaite intégrer sa ville aux nouveaux chantiers, tout en lui procurant un positionnement favorable. La relance économique passe par le sens du service public et de nouvelles infrastructures doivent voir le jour pour permettre un confort de vie plus moderne aux habitants. Pour accomplir sa vision, il réussit, avec le soutien sans faille du Général, à positionner Rosny-sous-Bois dans le programme de construction du District de la région parisienne, créé en 1955. Le District va mettre en place le plan d’aménagement et d’organisation générale de la région parisienne présidé par Paul Delouvrier en 1961. Déjà choisit en amont (en 1959), Jean de Mailly a pour mission de sortir de terre le « Grand Rosny ».

Les missions prioritaires de l’architecte sont de définir le plan d’urbanisme de la ville et de construire le quartier d’habitation de Bois-Perrier – Marnaudes (1958 à 1967). M.et Mme Hoffmann y habiteront pendant un temps, au 16 rue Jean Mermoz.

Jean de Mailly gagne la confiance du maire et du conseil municipal et obtient de nouvelles missions et fonctions dans la ville. Il se consacre par la suite aux projets de construction du groupe scolaire Jean Mermoz (école élémentaire) et des Marnaudes (école maternelle) ainsi que de l’hôtel de ville (1959-1967).

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À partir de la droite Philibert Hoffmann, Paul Delouvrier, Jean de Mailly et le Docteur Seyer, à l’inauguration du groupe scolaire des Marnaudes. ©Don Marie Schibler-Pierret. AM de Rosny-sous-Bois

Pour accompagner au mieux cette transformation, Jean de Mailly se voit offrir par Hoffmann un bureau à Rosny-sous-Bois. D’autres projets majeurs voient le jour sous le mandat Hoffmann, alors membre d’honneur et conseiller au District. Parmi les plus importants :

  • la déviation de la RN 186 et la création d’un schéma directeur (document d’urbanisme qui fixe les grandes orientations du territoire) ;
  • la construction de nombreux autres groupes scolaires ;
  • la création d’équipements administratifs et de proximité ;
  • l’aménagement du quartier de la Boissière ;
  • la création de la zone industrielle et de la zone d’activité tertiaire ;
  • le réaménagement du centre-ville.

Afin d’assurer la réalisation de ces nombreux chantiers (en un temps record !), Hoffmann consulte directement les ministres. Il ne ménage pas ses efforts et bataille pour obtenir des aides financières auprès de l’État, multipliant courriers de relance et réunions de travail. D’une dévotion sans faille, le maire porte les projets en personne, comme le décrit Paul Delouvrier lors de ses obsèques :

« Vous aviez su alors intéresser le district et son délégué général à votre Rosny et combien de fois êtes-vous venu, avec M. Barroy votre secrétaire général, si compétent et si dévoué me parler de vos problèmes et solliciter avec ténacité opiniâtre de l’homme de l’Est, un appui, une démarche, un avis favorable ! De ces rapports est née une amitié qui fait de votre départ, pour moi aussi un deuil personnel. »
Bulletin municipal officiel, discours prononcé par M. Delouvrier, n°11, 1964

La mort d’un grand Homme

Acharné à la tâche, malade et fatigué, Philibert Hoffmann décède en 1964. Le grand nombre de Rosnéens et de personnalités présentes à ses obsèques ce jour-là, montre la profonde estime dont bénéficiait ce grand homme, de même que les nombreux courriers de condoléances reçus par sa veuve à titre personnel et en mairie. Cette ferveur est clairement visible sur la photographie ci-dessous.

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Foule de Rosnéens pendant les funérailles de Philibert Hoffmann, le 15 avril 1964. ©Don Marie Schibler-Pierret. AM de Rosny-sous-Bois

L’attachement de la population pour son maire s’explique à travers la création de nombreux projets sociaux qui n’existaient pas auparavant dans la ville (extrait de Bulletin municipal officiel, Trois années d’activités municipales, n°6, 1962).

  • La mise en place d’un système de caisse des écoles et d’aide aux familles (avec un budget de 12 millions d’anciens Francs en 1962).
  • L’envoi chaque année de deux classes de neige à partir de 1962.
  • L’organisation de garderies aux congés de Noël, pâques et les grandes vacances.
  • La célébration des fêtes de fin d’année avec des jouets pour les maternelles et un spectacle avec une distribution de friandises pour les élémentaires.
  • La distribution de colis aux soldats, en fin d’année.
  • La distribution de 400 kilos de charbon aux anciens.
  • L’organisation d’une promenade annuelle pour les anciens au mois d’août (250 à 300 participants avec visite d’un château et un repas servi).
  • L’organisation d’un repas en janvier, pour tous les anciens de 70 ans et plus (650 repas en janvier 1962, avec des programmations artistiques).
  • Le relogement de 22 familles évacuées du fait de l’état de péril des immeubles.
  • L’adhésion personnelle à plusieurs associations, notamment sportives comme la Jeanne d’Arc.

Parmi les écrits les plus notables on peut souligner le courrier de condoléance du général de Gaulle et les cartes de condoléance rédigés par le premier ministre Georges Pompidou, et par Edmond Michelet, Jacques Soustelle (ancien membre des Forces françaises libres) ou encore Jacques Chaban-Delmas, le directeur général adjoint de la Société centrale immobilière de la caisse des dépôts. Gabriel Seyer reprend le flambeau et devient maire à son tour.

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Carte de condoléance de Georges Pompidou, alors Premier ministre. ©Don Marie Schibler-Pierret. AM de Rosny-sous-Bois

 

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Carton de condoléance écrit par le directeur général adjoint de la Société centrale immobilière de la caisse des dépôts. ©Don Marie Schibler-Pierret. AM de Rosny-sous-Bois

Lors des funérailles de Philibert Hoffmann, son premier adjoint, le docteur Seyer, s’exprime au nom du conseil municipal mais aussi comme Rosnéen. Il lui adresse un dernier remerciement pour son immense travail.

 « Il est mort à la tâche, parce qu’il lui était impossible de modérer une activité extraordinaire qu’il tenait pour normale et qui, je l’avoue, m’inquiéta souvent. Il était, dans son poste d’organisateur, d’une ténacité opiniâtre, si bien que, grâce à lui, nous avons pu réaliser à Rosny, en quelques années, des progrès que d’autres municipalités ont mis trois à quatre fois plus de temps à parfaire. »
Bulletin municipal officiel. Allocution prononcée par le docteur Seyer aux obsèques de monsieur Hoffmann, n°11, 1964.

Pour exprimer cette reconnaissance envers cet ancien maire qui avait tant fait pour sa ville, c’est à l’unanimité que le conseil municipal décide de renommer la rue des Marnaudes en rue « Philibert-Hoffmann » le 21 novembre 1964.

Rosny-sous-Bois aura servi de laboratoire, de ville pilote pour le réaménagement de l’Est parisien. Philibert Hoffmann, aura tout fait pour que sa ville devienne la préfecture du nouveau département de la Seine-Saint-Denis, créé en janvier 1968. Bien que Bobigny soit finalement choisie, ces efforts n’auront pas été vains puisque Rosny-sous-Bois restera une ville de premier plan, située au carrefour de grands axes routiers et ferrés. Hoffmann aura réussi son pari : préparer l’avenir. Infrastructures fonctionnelles, habitat décent et moderne, locaux administratifs neufs, gestion des effectifs scolaires, redynamisation de l’économie locale, aide aux familles. Ses grands projets auront laissé des traces, jusqu’à nos jours.